À la reconquête des vieilles fontaines de village en Plaine orientale

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Il règne ce dimanche-là à Prunelli un parfum de renouveau, mêlé à l’odeur humide des pierres anciennes. Le cliquetis des outils, les éclats de voix, et le rire des enfants se mêlent à celui de l’eau qui peine encore à couler librement sous les herbes et les mousses. Les habitants sont là, tous âges confondus, mains dans la terre, regard tourné vers la mémoire.

Parmi eux, la petite Alina, dix ans, s’affaire avec sérieux. Vêtue de bleu, elle arrache les mauvaises herbes qui étranglent les vieilles pierres de la fontaine, comme si elle libérait un souvenir trop longtemps étouffé. À ses côtés, des voisins, des bénévoles, et même des scouts venus de Belgique unissent leurs forces pour redonner vie à ces lieux oubliés.

Une mémoire gravée dans la pierre

À Ghisonaccia, comme dans tant d’autres villages corses, les fontaines racontent une histoire que les tuyaux modernes ont rendue silencieuse. Il y a cent cinquante ans, l’eau n’était pas un geste banal. Chaque goutte avait son prix, chaque trajet jusqu’à la fontaine était un rituel.

Les femmes du village, mères et filles, descendaient deux fois par jour, la “secchia” calée sur la tête, jusqu’à “a funtana di u cumunu”. Sous la voûte datée de 1858, elles lavaient le linge, remplissaient leurs cruches, échangeaient les nouvelles, partageaient les peines et les joies simples. L’eau liait les vies. À quelques pas de là, les ruines de l’ancienne fontaine du couvent témoignent d’une époque où chaque goutte soutenait un jardin, une famille, un monde.

Aujourd’hui, les robinets ont remplacé les chemins, l’individualisme a gagné du terrain sur les solidarités. Mais à Prunelli, quelque chose résiste.

Restaurer, mais aussi retisser

C’est ce que veut l’association Fighjula i petri, qui mène ce projet avec passion. Son président, Olivier Simonpietri, rappelle l’enjeu :
« Restaurer les fontaines, les lavoirs, les fours publics, c’est bien plus qu’un travail de pierre. C’est une manière de rassembler les habitants autour de ce patrimoine modeste mais essentiel, souvent ignoré, pourtant profondément ancré dans notre identité. »

En partenariat avec l’association Mnemosina, présidée par Guy Jouan Pieri, et la municipalité de Prunelli, une convention a été signée pour structurer cette action de sauvegarde du patrimoine vernaculaire. Ensemble, ils œuvrent à nettoyer, débroussailler, et réaménager ces lieux afin de rendre à l’eau son chemin naturel et à la communauté, un point de convergence.

Une chaîne intergénérationnelle

L’enthousiasme est palpable. Aux côtés des bénévoles locaux, les jeunes scouts belges prêtent main forte, encouragés par Jules-François Paoli, président de l’association I Chjassi Fiumorbacci, également impliquée dans cette journée. Tous, d’horizons différents, mais réunis par un même désir : réanimer un morceau d’histoire.

Car au fond, redonner vie à une fontaine, ce n’est pas seulement faire jaillir l’eau. C’est faire ressurgir les voix, les gestes, les regards d’autrefois. C’est créer, dans un monde pressé, un instant suspendu où l’on se souvient que l’essentiel se trouve parfois juste là : dans une pierre nettoyée, dans un seau rempli, dans le sourire d’un enfant qui découvre que l’eau aussi peut avoir une histoire.


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