Ce fabricant de couteaux en Loire-Atlantique façonne ses manches dans un bois « aussi vieux que les pyramides »

Lorsque Jean-Henri Pagnon s’est installé il y a vingt ans en Brière, à Saint-André-des-Eaux (Loire-Atlantique), il ne savait pas encore que sa quête artistique le conduirait à exploiter un bois presque millénaire, enfoui dans les marais, surnommé Morta. En 2009, après la lecture du roman La Brière d’Alphonse de Châteaubriant, où l’auteur évoque des « arbres du cataclysme », Pagnon — déjà passionné par la coutellerie — eut le déclic : pourquoi ne pas créer un couteau du terroir, comme on a des couteaux corses ou de Laguiole ? Son ambition : imaginer un « couteau briéron ».


Jean-Henri Pagnon – Couteaux Morta – nouveaux ateliers zone de Brais, octobre 2025
Jean-Henri Pagnon devant ses nouveaux ateliers zone de Brais à Saint-Nazaire (cliché : Patricia Bigot)*


Le Morta : un bois fossile enfoui sous les marais

Le bois qu’il travaille aujourd’hui n’est pas un bois ordinaire — c’est du Morta, un chêne ancien fossilisé. Il y a environ 5 000 ans, la région de la Brière était couverte de forêts de chênes. Des bouleversements géologiques et l’enfouissement progressif de ces arbres dans la tourbe les ont privés d’air et d’oxygène, provoquant une conservation exceptionnelle. Avec le temps, le bois s’est enrichi en silice, devenant dense et résistant.

L’atelier JHP extrait lui-même ce bois des marais, avec l’autorisation du Parc Naturel Régional de Brière. Il ne prélève que les troncs nécessaires, rebouche les sites et respecte les zones sensibles.

Même si le terme « bois contemporain des pyramides d’Égypte » ne figure pas textuellement dans les sources récentes, l’idée est voisine : ce bois vient d’une époque très ancienne, comme ceux utilisés dans l’antiquité. Le parallèle n’est pas invraisemblable — beaucoup d’essences employées dans les objets anciens sont des bois fossiles ou fortement minéralisés.

Une production qui monte : 6 000 couteaux par an

Depuis ses débuts à petite échelle, Jean-Henri Pagnon a vu sa demande exploser. Il affirme aujourd’hui produire environ 6 000 couteaux par an (chiffre communiqué dans votre texte). Pour absorber cette croissance, lui et son équipe ont déplacé leurs ateliers vers la zone de Brais à Saint-Nazaire en octobre 2025, dans des locaux plus spacieux.

Cette relocalisation permet de concentrer la production, l’assemblage et le contrôle qualité en un lieu unique, tout en renforçant la logistique et l’accueil de visiteurs.

Une gamme en perpétuelle expansion

L’atelier JHP ne se contente pas de couteaux de poche. On y trouve désormais :

  • Des modèles pliants avec mécanismes de pompe arrière
  • Des lames en acier brut de forge, en acier Sandvik 14C28N (dureté ~ 59 HRC)
  • Des versions Damassées
  • Une gamme cuisine (couteaux de chef, d’office, à huîtres, à pain)
  • Des manches en Morta, parfois agrémentés d’inserts en ivoire de mammouth fossilisé (âge estimé ~ 10 000 ans) pour renforcer le caractère patrimonial de l’objet.

Depuis sa création en 2009 (marque déposée à l’INPI), l’atelier a reçu plusieurs distinctions — Artisan de l’Année (2021), prix du public au Salon du Made in France, invitations à exposer à l’Assemblée nationale et à l’Élysée pour la Grande Exposition du Fabriqué en France en 2024.

Aux côtés d’un patrimoine et d’un territoire

L’histoire des Couteaux Morta est intimement liée à la Brière. Dans les communications de l’entreprise, on lit que le Morta est le « bois d’une grande noblesse qui a traversé les âges » . La marque valorise le lien entre l’objet et son territoire d’origine.

L’atelier propose régulièrement des visites guidées, permettant aux curieux de découvrir l’extraction du bois, les ateliers de coutellerie, et d’acheter sur place des modèles d’exception.

Un autre chemin de valorisation est la demande d’une Indication Géographique (IG) portée par l’ABAM (Association Briéronne des Artisans du Morta), pour reconnaître la singularité et l’ancrage local de ce bois.

Enjeux et défis

  • Durabilité et approvisionnement : le Morta étant rare, l’atelier doit doser extraction et conservation du milieu.
  • Standardisation vs artisanat : produire 6 000 pièces par an tout en gardant la qualité, l’esthétique et le cachet artisanal est un défi.
  • Rayonnement international : les couteaux Morta attirent des clients du monde entier, mais cela impose une logistique soignée, des certifications, une politique de marque forte.
  • Transmission du savoir-faire : l’atelier JHP compte une équipe (couteliers, contrôle qualité, expédition, accueil) clairement identifiée dans les communications de la maison.
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